
Jean-Marc Garcia
Réinventer sa vie/
Secrétaire, comptable puis Directeur administratif et financier (DAF), Jean-Marc Garcia a traversé le plafond de verre grâce à ses qualités relationnelles et humaines. Mais son expérience professionnelle l’a aussi conduit à faire le chemin inverse suite à un licenciement. Un portrait complexe.
Aujourd’hui gérant d’un Relay (chaîne française de points de vente de presse sur les lieux des transports) en banlieue parisienne, Jean-Marc Garcia, 57 ans, pose un regard sage sur son parcours, porté par le besoin du lien à l’autre. Il se raconte, sans détour. « J’ai obtenu mon Bac B en 1979 et j’ai fait un BTS secrétariat trilingue (anglais, espagnol, allemand) à Toulouse. J’étais le seul garçon, c’était super ! », s’exclame Jean-Marc, légèrement gouailleur. Après un passage obligé par l’armée en 1983, il cherche du travail à Toulouse, sans succès. Il décide alors de tenter sa chance à Paris.
Évolution
« En une semaine, j’ai trouvé une place chez McGraw-Hiill, leader américain mondial de l’édition basé à New-York et disposant de 400 bureaux dans le monde, explique-t-il. La petite annonce du Figaro précisait « Cherche secrétaire aimant les chiffres ». Cela convient bien à Jean-Marc qui progresse sous l’aile protectrice du directeur du bureau français. « Tout se faisait en anglais. En 1988, j’étais comptable polyvalent. Je m’occupais de l’administratif du bureau de Paris. En 1995, je suis devenu DAF et cadre. J’avais un bon salaire, une voiture de fonction. Nous étions passés de 15 à 60 personnes. Je suis devenu le représentant légal du bureau de Paris de McGraw-Hill. » Jusqu’en 2000. La société commence alors à perdre un peu d’argent. Les financiers arrivent, des audits sont lancés.
Pressions
Les réunions et les rapports se multiplient, la charge de travail de Jean-Marc augmente jusqu’à 70 heures par semaine. « J’ai exigé qu’on embauche un comptable pour m’aider afin que je puisse me consacrer au reporting et à la migration informatique. » Malheureusement, le RH de Londres annonce à Jean-Marc qu’il va devoir partir : « On te laisse le temps de trouver du travail, un an s’il le faut. On supprime ton poste contre un chèque », lui explique-t-on très franchement, à l’américaine. Jean-Marc est abasourdi. « J’aimais cette société. Je me suis accroché et leur ai proposé de me payer une formation pour évoluer dans la boîte. Ils ont refusé. J’ai continué à travailler, sans tirer au flanc. Mais la pression est montée, et j’ai finalement trouvé un poste similaire dans les laboratoires Gaba.»
Réflexion
En mars 2001, Jean-Marc intègre son nouveau travail. Il organise le service et réalise la migration sur SAP. En septembre 2002, l’histoire se rejoue : on lui annonce qu’ils n’ont plus besoin de lui. Une nouvelle fois, il reçoit un chèque contre son départ. « Là j’ai commencé à galérer, raconte-t-il. Je me suis inscrit au chômage. Au début, je restais cool, je voulais faire le point, éventuellement me reconvertir. J’envisageais même de partir en Afrique monter un hôpital mais personne ne me prenait au sérieux. » Un bilan de compétences fait ressortir un profil plutôt artistique. Il enchaîne pourtant avec une formation de contrôleur de gestion pendant six mois. « Il fallait bien que je fasse quelque chose. Reprendre des études de cinéma à 43 ans, ce n’était pas plus raisonnable que d’aller s’installer en Afrique ! Mais je n’étais pas très motivé. J’ai quand même obtenu le diplôme de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, mais je n’ai pas trouvé de travail. En réalité, je ne voulais plus faire de compta. »
Circonvolution
Jean-Marc cherche alors à se lancer dans le commerce et cherche une cave à vin à Conflans Sainte-Honorine, où il réside. Mais il ne trouve pas d’affaire à reprendre. Jusqu’à ce qu’il entende parler d’une librairie-presse-papeterie en vente… « J’avais l’idée de lui redonner vie. À l’ouverture, après quelques semaines d’adaptation, les clients sont arrivés. J’ai commencé à travailler avec les écoles et la mairie. Je suis devenu commerçant, et cela m’a plu. » Après trois années d’activité, le chiffre d’affaires s’essouffle. Jean-Marc ne peut plus travailler avec les collectivités en raison d’une nouvelle loi obligeant les appels d’offres.
Je mise tout sur la qualité de vie, je rencontre pleins de gens. C’est ainsi que je m’enrichis.
Il ne parvient pas à compenser la perte d’exploitation et décide de liquider. « J’étais bien là bas, regrette-t-il. J’avais oublié mon boulot d’avant. » En fermant le magasin, Jean-Marc doit rembourser le dépôt de presse et s’endetter. Pour la première fois, il a l’impression de toucher le fond. Sa femme lui parle de Relay. Réticent au départ, il accepte de se rendre au premier entretien. Puis tout s’enchaîne : un deuxième entretien, examen de recrutement, formation…
Transformation
« Au début, je faisais des remplacements : Châtelet, Les Halles, hôpital Cochin, Havre Caumartin… C’était fatiguant et peu responsabilisant. Je souhaitais être titularisé et si possible près de chez moi. Après l’expérience de la librairie, je savais que ce qui m’intéressait, c’était le contact avec la population locale. » Après trois ans au Relay de la gare du Veisinet, soulagement : en 2012, Jean-Marc obtient un poste à la gare de Conflans Sainte-Honorine, à moins de cinq minutes à pied de son domicile. « Je travaille en journée continue de 6 h à 13 h 30. Le travail en lui même n’a rien d’excitant par rapport à mes anciennes expériences, le salaire est moins élevé, mais je mise tout sur la qualité de vie, je rencontre pleins de gens. C’est ainsi que je m’enrichis. »
Révolution ?
Pendant son temps libre, Jean-Marc est militant politique. Il y a goûté plus jeune et retrouve avec joie ses anciennes amours. À l’issue des dernières élections municipales de 2014, il a créé avec d’autres militants l’association Confluence, Énergie, Solidarité (CES). Deux à trois gazettes sortent chaque année et de nombreuses décisions du maire actuel sont régulièrement dénoncées auprès de la population locale. «Partout où nous pouvons, nous essayons d’être présents. Pour défendre la démocratie, l’écologie et la solidarité dans notre commune, pour élaborer des propositions politiques et en faire la promotion, pour agir pour les droits de l’homme et des citoyens, etc. » Lors de la dernière Assemblée Générale de CES, Jean-Marc a été élu président et a bien l’intention d’être dévoué à son objectif : relancer la mobilisation pour les municipales de 2020. « Nous devons reconfirmer notre position dans les collectifs de réfugiés et anti Linky, mais aussi dans les collectifs de rencontres citoyennes.» Ambitieux, Jean-Marc a un projet pour les prochaines municipales et souhaite y consacrer son temps libre : convoquer des États Généraux pour rassembler le plus grand monde. À suivre.