
Pedro Lara
Tout pour la musique/
Fin 2017, suite à un licenciement économique, Pierre Lara a troqué son costume de contrôleur de gestion contre un tee-shirt et une platine de DJ. Depuis, son quotidien l’enchante…
Muevelo, cela signifie « bouge-le », en référence au bassin. Mais l’association Muevelo, créée il y a sept ans, est surtout née d’une rencontre. « Il y avait un DJ, Grandpamini, qui passait de la musique sur un ring dans une salle rive gauche, à Paris, raconte Pedro. C’était génial, la musique était brute, sans les filtres habituels. Je l’ai invité dans la web radio où je travaillais comme bénévole à l’époque, Radio Global. Nous sommes vite devenus amis et il m’a à son tour proposé de mixer sur scène. » Grandpamini venait de créer Muevelo. Avec Pedro et un troisième ami, ils formalisent l’association. L’objectif de Muevelo ? Chaque mois, faire danser les gens sur de la musique d’Amérique Latine en sortant des sentiers battus et des clichés habituels qui lui sont liés.
Parcours
La trajectoire scolaire et professionnelle de Pedro est pourtant à des années lumière du Muevelo… « À la fin du secondaire, je suis un peu à l’ouest, explique-t-il. Mes parents me poussent à faire Math Sup’ : simultanément, je découvre les études et la fête. Et je plante ma première année. » Pedro enchaîne avec une école de commerce. Mais à la fin du cursus, il ne sait toujours pas quoi faire de sa vie. « Je pars alors au Mexique pour monter une entreprise, poursuit-il. Cela marche un an et demi. De retour en France, je me lance comme auditeur financier chez KPMG France, leader de l’audit et du conseil. Au bout de deux ans, un client me débauche et me choisit comme responsable du contrôle de gestion de son entreprise. » Dans le même temps, Pedro est bénévole à Radio Global et découvre le Muevelo.
Schizophrénie
En 2016, sa femme, Valentine, lui propose de partir à Bruxelles où très vite, il trouve à nouveau un poste de contrôleur de gestion. « Fin 2017, le patron nous annonce qu’il prend sa retraite et licencie tout son personnel. Ce fut un choc mais je réalise aujourd’hui que c’était une chance. » Pedro a débuté le contrôle de gestion et s’est passionné pour la musique à la même période. Amateur au début dans ces deux activités, il a pris peu à peu des responsabilités dans les deux domaines. Mais jonglant quotidiennement entre deux modes de vie totalement opposés, il s’est vite senti devenir schizophrène.
En 2010, il se rapproche d’ATD Quart Monde. Didier est alors orienté vers l’animation du réseau Emploi Formation avec Patrick Valentin, l’homme à l’origine de Territoire zéro chômeur de longue durée. « C’est au sein de ce réseau que nous avons créé le projet. » En 2011, il devient également secrétaire général d’Aurore, association de lutte contre l’exclusion forte de 1 200 personnes, se forgeant ainsi une solide expérience. Enfin, en 2015, ATD Quart Monde le sollicite pour prendre la direction de Travailler et Apprendre Ensemble (TAE), l’entreprise solidaire du Mouvement implantée à Noisy-le- Grand. Il continue d’animer le groupe d’une trentaine de personnes qui travaillent à ATD Quart Monde sur Territoires zéro chômeur de longue durée.
Déclic
À la fin, l’écart était devenu trop grand. Pedro arrivait au travail la boule au ventre. Stress, pression,… Il ne comprenait plus ce qu’il faisait mais sentait la perversion du management. « J’attendais 18 h 30 chaque soir pour rentrer chez moi ». Le burn out le guette… Jusqu’au déclic : « Voir la génération de mon père arrivée à la retraite fatiguée, sans reconnaissance, m’a réveillé. Cette amertume, je n’avais pas envie de la ressentir à mon tour. J’ai réalisé que je pouvais vivre de peu. J’ai dû défaire ce qu’on m’avait appris dans mon école de commerce où la réussite financière était importante. »
Passion
Aujourd’hui, Pedro a 36 ans et se consacre à temps plein à Muevelo À côté du développement et de la cogestion de l’association (production d’événements internationaux, marketing, communication, etc.), il collabore à trois web radios dont une à Londres et une à Bruxelles. « J’adore ce média. Ce n’est pas rémunéré, à l’inverse des soirées où je mixe, mais mes interventions ont un effet vitrine intéressant. »
J’ai dû défaire ce qu’on m’avait appris dans mon école de commerce où la réussite financière était importante.
Pedro sent qu’il a une responsabilité par rapport au son qu’il partage, surtout à une époque où la production massive et brutale n’est pas toujours de qualité. «Je gagne moins d’argent, mais je suis heureux. Quand les gens voient que tu es passionné, ils sont plus prompts à te faire confiance. Comme contrôleur de gestion, je n’aurais jamais pu aller loin.»
Développement
Pedro commence en effet à se faire une place dans le milieu : de plus en plus de DJ le contactent pour qu’il leur trouve des dates de soirées. Pedro a donc ajouté la prestation de booking agence à son CV. Tout en poursuivant l’animation de soirées : en juin dernier, il avait 8 dates de programmées, et en août, il a fait la première partie de Daddy Yankee en Belgique où il a mixé devant des milliers de personnes. C’est l’effet boule de neige. « Je ne suis pas un musicien, mais un inconditionnel de la fête et de la danse. J’ai appris à mixer et à produire du son, mais je me suis aperçu que je savais aussi être en relation avec des DJ et leur proposer des dates. Pour devenir meilleur dans ce qu’on est, il faut aimer son truc profondément.»